The Offline : le nouvel envol du voyage online.

Thomas Colas des Francs et Maximilien Barbé, co-fondateurs de The Offline ©The Offline

 
 

Oculus® ce sont des interviews pour garder l’oeil sur les marques remarquables, les #dnvb ou les entrepreneurs qui font bouger les lignes. Ce sont des échanges pendant lesquels on prend le temps d’aller au fond des sujets et le temps de comprendre l’état d’esprit d’un entrepreneur du changement.

Elles ne sont pas si loin ces images un peu traumatisantes d’avions cloués au sol, d’aéroports fantômes. Et le florilège de questions et discussions, pour beaucoup d’entre nous, sur la nécessaire adaptation de nos modes de déplacement, de choix destination de vacances.

L’industrie du voyage était déjà en train de changer, l’Internet, des algorithmes et de l’intelligence artificielle avaient, depuis une bonne décennie, signé le déclin des agences de voyages traditionnelles au profit des plateformes en lignes, permettant à chacun de devenir sa propre agence de voyages. D’ailleurs, si les achats de voyages ont nécessairement reculé pendant cette période, généralement 30 à 50 % de baisse d’une année sur l’autre sur les marchés mondiaux, l’intérêt pour le contenu des voyages n’a fait que croître — par exemple, la consommation de contenu de voyage en ligne a augmenté de 27 % en France par rapport aux niveaux d’avant la crise selon le constat de OMD dans sa publication « Travel Revolution ». Les gens souhaitent être inspirés et explorer les possibilités grâce à des contenus de voyage et des services intégrés, ils sont particulièrement ouverts aux nouvelles expériences rendues possibles par la technologie.

Ainsi, le passage aux plateformes mobiles s’est accéléré et les plus grands gagnants sont les applications de voyage intégrées qui offrent un large éventail de services, souvent avec des fonctions d’intelligence artificielle, comme booking.com qui connait une hausse de fréquentation 60 % par rapport à avant la crise en Italie et de 45 % en Allemagne.

Toutefois, le consommateur moderne est souvent paralysé par l’abondance du choix qu’il a au bout des doigts. Malgré cette surabondance d’options, la promesse du numérique signifie que les consommateurs exigent désormais des services de qualité, une facilité d’usage accrue et de personnalisation. C’est exactement là que se situe la réflexion de Thomas Colas des Francs et Maximilien Barbé, les deux co-fondateurs de The Offline (ex Weekendr): repenser une offre intégrée, sans friction, simplifiée, parfaitement pensée pour une nouvelle philosophie du voyage.

 

Viviane : Bonjour Thomas, avant de rentrer dans le vif du sujet, est ce que tu veux bien revenir sur ton parcours universitaire ?

Thomas : J’ai fait une licence d’éco-gestion à la Sorbonne et ensuite, j’ai rejoint l’EDHEC en admission parallèle. L’idée, c’était d’avoir deux formations qui se complétaient, une à l’Université et l’autre en École. C’est enrichissant parce que les personnes que j’ai rencontrées et leur approche d’un même sujet étaient très différentes. À l’université, l’approche est très théorique, alors qu’en École, elle est très pratique. Et les deux me sont aujourd’hui très utiles. — Viviane : L’Edhec s’est beaucoup tournée vers l’entrepreneuriat. J’accompagne pas mal de fondateurs de DNVB qui en sortent. C’est un petit vivier. — Oui, et beaucoup la finance aussi. Et pour l’entrepreneuriat, c’est un incontournable. Ils ont créé un incubateur à Station F, dans lequel nous sommes passés au début et qui est l’un des plus grands. Mais je ne suis resté qu’un an à l’Edhec sur le campus de Lille, après il y a eu l’année de césure obligatoire, pendant laquelle j’ai fait deux stages de bras droits du CEO avec déjà l’idée en tête que je voulais créer ma boite et que je voulais me familiariser aux enjeux de ces postes, comprendre ce qu’il fallait faire et les erreurs à éviter. — Viviane : Tu les as effectués auprès de qui ces stages ? — Le premier c’était une startup qui s’appelle Jam qui est un chatbot sur Messenger. L’idée, c’était de répondre aux étudiants qui pouvaient envoyer tout type de question et le bot leur répondait. Donc le principe de départ, c’était d’automatiser le plus possible les réponses et par la suite, c’est devenu de plus en plus un média via chatbot conversationnel. Là, je me suis rendu compte du pouvoir du storytelling et de la force du média parce que c’est une startup qui a été extrêmement médiatisée, mise en avant, avec une belle histoire à raconter. — Viviane : Oui, c’est une startup très incarnée par sa fondatrice Marjolaine Grondin, sur des sujets d’intelligence artificielle et de chatbot très à la mode et plus stéréotypés masculins. Oui, Marjolaine est une figure très médiatique Marjolaine était très jeune diplômée de Berkeley, en Californie, quand elle a lancé Jam, a à peine 23 ans. Elle a fait des TEDx [L’intelligence artificielle, une responsabilité collective en 2016, le dernier en mai 2021 : l’amour comme plan de carrière]. Elle a été mise en avant par Méta (ex Facebook) dans leur conférence annuelle à San Francisco, elle faisait partie des 30 under 30 de Forbes. Il y a eu énormément de lumière sur elle et sur Jam, et c’est hyper intéressant de voir que dès qu’il y a de la lumière, ça fait boule de neige et ça s’emballe dans le bon sens parce que tout le monde veut en parler. Pour autant, en interne, il y avait des problématiques très opérationnelles et très concrètes. Une boîte ne marche pas qu’avec une belle histoire, et ça, je l’ai découvert très rapidement quand je suis arrivé. Derrière, il y avait une réalité opérationnelle qui était différente. Ce qui m’a surpris et c’était la première grosse leçon, c’est qu’il y a un écart entre ce que l’on perçoit en externe et la réalité en interne. De l’extérieur, c’était proche d’un Google et de l’intérieur, c’était une startup qui avait des problématiques très concrètes.

Viviane : Et ta deuxième expérience, c’était laquelle ?

 
 

Les 3 co-fondateurs de Tempow Julien Goupy, Vincent Nallatamby et Thomas Girardier, avec leur stagiaire au centre Thomas Colas ©Tempow

 
 

Thomas : La deuxième expérience : rien à voir. C’était Tempow, une startup tech qui a créé un protocole Bluetooth qui permet de connecter n’importe quel smartphone (ordinateur portable, tablette, télévision…) à plusieurs enceintes, casques ou oreillettes Bluetooth simultanément. Ça m’avait attiré parce que la problématique, je l’avais vécue. L’idée c’est pouvoir faire un home cinéma en Bluetooth en connectant plusieurs enceintes de différentes marques. Et aussi parce qu’il y a fait un aspect très international que je recherchais. Et ça a été un stage incroyable parce que le premier jour de mon stage, nous sommes partis au CES de Las Vegas une semaine, ensuite, j’ai passé deux mois et demi à San Francisco et un mois et demi à Paris avant d’aller à Taiwan et à Shanghai. — Viviane : Qui a financé le tour du monde de l’équipe ? — La startup grâce aux fonds qu’ils avaient levés. Et c’est ça qui était super intéressant. C’est une boite très ambitieuse qui vient de se faire racheter par Google et tous leurs clients sont internationaux. C’étaient de gros poissons parce que les gens qui intègrent ce genre de technologies, ce sont des fabricants de hardware, il n’y a en pratiquement aucun en Europe et les gens qui décident des prochaines intégrations, ce sont des VP. — Viviane : C’était une vraie nécessité de rencontrer les parties prenantes, pas juste du tourisme. — Oui, et les parties prenantes, c’étaient des gens assez importants et hauts placés dans des boites assez inaccessibles. Les VP d’Apple, ce sont des personnes très sollicitées. L’idée de ce tour du monde : à San Francisco, on était près des sièges sociaux des grosses boites californiennes, à Shanghai et Taiwan, c’était plutôt pour les fabricants chinois, mais en fait, c’est un tout petit monde qui justement se rencontre tous les mois et demi autour de grands événements internationaux. Nous sommes aussi allés au MWC [Le Mobile World Congress à Barcelone est l’événement le plus important au monde pour le secteur de la connectivité où les entreprises de premier plan et les pionniers partagent les dernières réflexions sur l’évolution et l’avenir de la connectivité], et à chaque fois on croisait ces personnes. À force de les croiser, tu es connu dans le paysage et tu deviens un acteur sérieux. Ce qui m’a marqué dans cette expérience, c’est vraiment l’idée de penser grand et les co-fondateurs Vincent Nallatamby, Julien Goupy et Thomas Girardier (qui avaient levé avec leur startup), se disaient que ça valait le coup de l’investir dans ces voyages pour imprimer leur existence auprès des parties prenantes, montrer qu’on est partout et qu’on joue le jeu des grands. — Viviane : Ils avaient levé 3,5–4 millions ? — Au début, quand j’y étais, ils n’avaient levé que 500 000 euros. C’est ça qui est épatant, c’est qu’ils les avaient dépensés en partie pour ça et des salaires, mais l’audace a payé puisqu’ils ont signé des contrats avec Motorola et d’autres acteurs. — Viviane : Ce que tu es en train de dire, c’est que tu as appris à construire un réseau en partant de rien, juste en étant là où il faut, en connectant avec les bonnes personnes et un peu à l’usure aussi non ? — Ça n’est pas moi qui ai fait tout ça, mais je les ai vu faire et j’ai appris exactement comment Vincent bâtissait ses connexions, comment il utilisait des intros. Par exemple, il demandait plusieurs introductions différentes à plein de personnes différentes pour une cible et en une semaine, le gars se prenait 5 mails de 5 personnes différentes lui expliquant pourquoi Vincent était « la » personne à connaître. — Viviane : Ah c’est super malin ça !- J’avoue, c’était assez marrant. — Viviane : D’après toi, quelle est la qualité Vincent qui a fait la réussite de Tempow ? — Je pense qu’il incarnait vraiment cette vision internationale. Ça m’a vraiment marqué l’idée de penser international dès le début. — Viviane : Oui, et de penser très grand dès le début. — Exactement, c’est un truc que je n’ai jamais revu. — Viviane : C’est vrai que vu de France ça n’est pas tellement courant. Globalement, la pensée commune enseignée en École et relayée par les fonds, c’est de saturer le marché français avant de penser à l’extérieur. Et je suis persuadée que ça te mène souvent à l’impasse. — C’est vrai et d’autant plus qu’ils n’avaient pas de clients en France. Ils avaient lancé leur projet depuis Berkeley, puisqu’ils avaient fait le master entrepreneuriat là-bas. La deuxième chose que j’en ai retirée, c’est que le monde est très connecté et c’est à toi de voir quel terrain de jeu tu cibles, mais les gens qui manufacturent des produits à l’international ça peut être très simple et être acteur de ce monde, c’est possible. — Viviane : ça a dû te donner un élan incroyable ! — C’est sûr ! Ça m’a donné de belles motivations.

Viviane : tu finis tes deux stages, tu reviens en France et ensuite, qu’est-ce qui se passe ?

 
 

Indian Institute of Management d’Ahmedabad , le “Harvard Indien” ©Thomas Colas

 

Thomas : Il fallait que je finisse ma dernière année d’étude. J’avais vu la Chine et les États-Unis et je me suis dit que le denier grand pays qui manquait où il se passait beaucoup de changements économiques, c’était l’Inde. En tech, dans le sud de l’Inde, ils sont très forts. Donc, j’ai décidé de faire mon Master à l’École de Commerce d’Ahmedabad, dans le nord-ouest, la ville de Modi et de Gandhi. Mais ça n’est pas une ville touristique, c’est une ville qui a un passé industriel. Il y avait très peu d’Occidentaux sur place. Il n’y avait pas de restos occidentaux. Après, c’était juste un semestre. C’était une expérience humaine très forte, après avoir au des expériences professionnelles très intéressantes. C’était le programme MBA et dans ce programme, il y avait plein d’Indiens, c’est hyper sélectif, tu as 200 admis par an sur une population de 1,5 milliard, c’est délirant. Ce qui fait qu’ils avaient tous des diplômes. En général, c’étaient des ingénieurs qui avaient fait de supers écoles et qui complétaient après quelques années de vie pro, par une vision business. — Viviane : Et pour toi un prolongement de ce qui tu avais appris à l’Edhec, j’imagine. Quel est ton souvenir de cours ou de prof le plus marquant ? — J’ai eu des cours passionnants. On faisait plein de Harvard Business Case, c’était très international là aussi comme éducation et c’est un cours de négociation qui m’a vraiment marqué. C’était un super prof. Un jour à la fin d’un cours où j’avais pensé qu’on avait super bien négocié, j’étais un peu fier de moi. Je vais le voir et je lui demande si c’est un bon résultat et avec un regard super doux il me demande si je suis content. Je dis oui. Et il me dit « et lui il est content ? ». Oui. Alors c’est une super négociation. C’était marrant parce que je venais pour savoir si le chiffre que j’avais obtenu était bien et lui se préoccupait du sentiment et du ressenti, ça a été une bonne leçon.- Viviane : C’est plus la dimension humaine et la satisfaction de chacun, l’idée du bénéfice mutuel. C’est vraiment différent de la relation de force et ça nécessite de mobiliser ses capacités d’empathie. — C’est un cours qui m’a beaucoup marqué. Après l’Inde, c’est un pays incroyable qui te fait relativiser pas mal de choses par rapport à ton quotidien en France parce que le quotidien n’est pas facile pour la plupart de gens, mais ils ont une vision de la vie qui les aide à dépasser ça.

Viviane : Après cette expérience, tu es parfaitement armé pour te lancer. Tu te sens prêt ?

Thomas : En rentrant, je me disais que je voulais quand même ajouter une dernière brique. Celle du code. J’étais très attiré depuis toujours par la tech et avoir des notions de code avec l’idée à l’époque de pouvoir créer une première version de ma future boite. À la fin de la formation, on avait un projet à produire en binôme et c’est un algorithme qui décide avec qui tu vas bosser. Et il se trouve que j’avais retrouvé Maximilien [Barbé], un camarade du lycée que je connaissais un peu, sans plus et que l’algo nous a mis ensemble pour travailler sur le projet “Weekendr”, la boite qu’on a lancée par la suite et que nous venons de renommer The Offline. C’est vraiment un jeu de hasard que le destin nous ait rassemblé. — Viviane : Maintenant que tu es allé en Inde, tu sais qu’il n’y a jamais de hasard ni de coïncidence, juste des synchronicités ! (Rires). Quel est son profil ? — Maximilien est ingénieur de formation, il a fait les Arts et Métiers Paritech et un double diplôme ensuite Centrale Supélec et l’Essec en Data et Business Analytics.

Viviane : Quel était le postulat de départ de Weekendr ?

Thomas : J’avais tiré cette idée d’un de mes carnets de notes, mais ça n’avait pas forcément vocation à perdurer au-delà du travail de groupe. Le critère de sélection c’était plutôt qu’est-ce qu’on peut coder en 2 semaines, plutôt que qu’est ce qui est le plus prometteur à horizon 20 ans. L’idée, c’était de calculer quelle était la meilleure date pour partir pour un week-end de 4/5 jours. C’était une problématique que j’avais rencontrée, parce que tous les comparateurs étaient orientés sur « je sais où et je sais quand » et il fallait multiplier les recherches. Si tu veux partir du vendredi matin au lundi soir, tout simplement, on calculait si c’était mieux cette semaine, la suivante ou dans 4 semaines… et ça pour une destination. Et si tu hésites entre deux destinations, c’était infaisable. — Viviane : Tu parles de voyages aériens uniquement là, c’est ça ? — Oui, uniquement les billets d’avion. On a développé en 15 jours un moteur qui comparait sur 12 semaines puis 24 le prix des allers-retours. C’était un super projet, très concret et avec une possibilité d’utilisation dès la présentation du projet. Les gens réservaient et on redirigeait vers les sites marchands. On avait créé une vraie proposition de valeur unique. Il y avait d’autres projets, de marketplace par exemple, mais sans inventaire ni clients, et couplés avec de fausses données alors que nous c’était un outil dont on pouvait se servir. — Viviane : Comment tu récupères les données des compagnies aériennes ? — On était branchés via une API, un comparateur qui nous permettait de chercher dans ses données et après on redirigeait pour la réservation vers lui. On agissait comme un apporteur d’affaires. — Viviane : Donc, tu rajoutes une strate, ce qui veut dire que ta marge n’est pas folichonne. Donc il te faut un immense volume. — Exactement, on avait une toute petite commission et c’est vrai que tu touches le cœur du sujet qui a créé toute l’évolution qui s’est passée depuis. C’est vrai que pour créer un beau business il fallait soit du volume monstrueux, soit autre chose en parallèle. Les gens nous demandaient plus de services.

Viviane : Entre la formation au Wagon et le lancement officiel de Weekendr, il s’est passé quoi ?

Thomas : À la fin de cette formation, il y a un événement qui s’appelle le Demoday, une présentation des projets que pas mal de personnes regardent, des investisseurs, des journalistes, des corporates. Au total, plus de 10 000 personnes voient les projets et ce qui fait que, dès le début, on a bénéficié d’une petite audience. Tout de suite, on a eu des visites sur le site donc on avait à l’idée de le garder comme side project et travailler le samedi matin dessus et devenir riche sans rien faire (Rires). C’est pour ça que nous avons continué et, au fur et à mesure, on s’est aperçus que les utilisateurs voulaient plus de services, et leur première demande, c’était dites-moi où partir en plus de dites-moi quand partir.

 
 
 

Caption homepage The Offline (Weekender)

 
 

Viviane. : Quelles sont les bonnes destinations suivant la météo, les events sur place. Mais qu’est-ce que vous pouviez rajouter à ce qui existe déjà ? Il me semble que les propositions qui adressent le marché sont plutôt low cost ou s’appuient en tout cas sur le côté bonne affaire, dégriffé ou soldes, non ?

Thomas : Plus du tout. Et on va pouvoir faire l’histoire en accéléré de tout ce qui s’est passé depuis le Wagon [formations intensives en code, data…]. Pour résumer, au début, on a commencé avec ce comparateur de vol pour trouver quand partir et que ce soit le moins cher possible, ça c’est le point d’entrée. Puis on a rajouté, parce qu’on nous le demandait où partir, puis quel hôtel choisir, et ensuite la question c’est qu’est-ce que je vais faire sur place ? — Viviane : Ça devenait une agence intégrée en fin de compte. — Exactement. Et là, au bout de quelques mois, on fait ce constat : soit on est un comparateur pour les week-ends et on peut être copié en 5 secondes, et pour être rentables, il faut un sacré volume et de l’autre côté, on voit des gens qui en voulait toujours plus parce que le temps de recherche, il voulait bien nous le déléguer. Le constat finalement, c’est que chacun est devenu sa propre agence de voyages et c’est vers cette solution que nous avons pivoté.

Viviane : Tu as développé un quiz avec le profil des voyageurs pour leur proposer du sur-mesure en fonction de leurs goûts et personnalités ?

Thomas : En ce moment, le client est encore acteur. C’est lui qui choisit les offres qui lui conviennent au travers de la navigation, mais nous on fait une grosse sélection des offres qu’on lui propose et on élimine tout ce que lui aurait éliminé à 100% comme les hôtels mal placés, pas bien notés, qui ne correspondent pas aux gouts de notre clientèle. On enlève tous les vols qui ne sont pas directs. — Viviane : Vous faites un travail de filtre naturel. — Exactement, on fait un gros travail pour construire un espace sécurisé dans lequel une personne peut tout réserver et voyager en confiance. — Viviane : Vous misez sur le qualitatif ? — Oui. Il y a 3 mois, on a réalisé un gros pivot et on a préparé une levée de fonds dont le pitch est créer l’agence de voyages du futur et intégrer le panier pour permettre à chacun de réserver l’ensemble de son voyage en 5 minutes sur une seule plateforme. Et derrière d’avoir un bon service après-vente, des bons conseils sur ce qu’il faut faire sur place, toutes ces tâches qui sont aujourd’hui segmentées sur plein de sites différents. Et ça, pour répondre au pain point des voyageurs : ça prend top de temps de réserver un voyage complet en ligne et encore plus pour dénicher les bonnes offres, les offres qualitatives.

 
 

Caption homepage The Offline (Weekender)

 
 

Viviane : Quand vous avez décidé de lever, vous aviez fait votre POC, votre démonstration de faisabilité. Est-ce que vous pouviez montrer une traction et une rétention. Est-ce que vos premiers clients revenaient ?

Thomas : À l’époque, on était plus un site d’inspiration plus qu’un site de voyage parce que le panier n’était pas chez nous. On redirigeait les gens pour payer. On avait beaucoup de trafic, mais des clients pas tant que ça parce qu’une fois que les gens ont l’inspiration, ils peuvent réserver via le lien qu’on leur donne ou nous by passer facilement. On a levé 1 million d’euros au début du premier confinement. — Viviane : Comment avez-vous convaincu des investisseurs de lever sur un business sur lequel il n’y avait pas forcément de modèle économique ? D’ailleurs, Challenges vous a nommé dans sa liste des « 100 startups où investir en 2020 — Le modèle économique, on savait qu’on devrait intégrer le panier pour prélever notre propre commission. On avait le trafic. Le pain point était très élevé et tout le monde reconnaît qu’il y avait une problématique non résolue. En POC, on avait développé un site avec un moteur très performant, parce que pour trouver où et quand partir, on analyse une quantité de données astronomique. Après, pendant le confinement, on a beaucoup travaillé sur le produit pour créer tout le funnel d’agences de voyages où je sélectionne d’abord ma destination puis mon hôtel puis mon vol et à la fin, on a préparé l’intégration du paiement, tout l’UX et on a attendu que le Covid relâche son étau au printemps pour proposer toute l’offre delà.

Viviane : Comment avez-vous réagi quand vous avez vu que le confinement allait durer, puis que des mastodontes du voyage comme Thomas Cook mettaient la clé sous la porte ?

Thomas : On avait un énorme travail pour intégrer sur une seule plateforme, ce qui est normalement fait sur 4 plateformes séparées. Et en plus, il faut s’assurer de la coordination des offres : que les vols qu’on propose soient compatibles avec le check-in des chambres par exemple. Il y a de nombreuses considérations supplémentaires à intégrer. Donc pour le covid, on était à la fois très contents parce qu’on s’est dit, je crois, à juste titre, que c’était à la fois une grosse opportunité, que les voyages allaient changer, que le fait de préparer ce nouveau modèle d’agence de voyages serait une grande force à la sortie de la pandémie et qu’on serait sur la ligne de départ avec nos fonds dès que ça s’améliorerait. Et c’était aussi un peu frustrant parce qu’on avait de l’argent qu’on ne pouvait pas dépenser. Parce qu’au-delà de la partie produit, pour tout ce qui était marketing, il fallait que ça reprenne pour pouvoir le lancer.

Viviane : Depuis, c’est bien reparti ?

Thomas : Oui, depuis cet été, c’est très bien reparti et on a intégré le panier au début de l’été. On prépare un gros rebranding pour définitivement prendre cet axe agence de voyage digital, qui sera plutôt premium, mais pas luxe. Avec l’intégration du panier, on a ajouté pas mal de services. Déjà, la possibilité de tout payer au même endroit, c’est un grand service : c’est plus simple pour le client, mais ce qu’on ne voit pas, c’est que derrière, on a un service après-vente unique pour l’ensemble du voyage. Ce qui veut dire que nous sommes responsables de la bonne exécution de l’ensemble des prestations que nous avons vendues. Donc, s’il y a un problème avec le vol, nous sommes aussi responsables de l’hôtel et inversement. — Viviane : Et de la prestation du guide sur place ou des choses comme ça j’imagine ? — Pour l’instant, c’est plus du conseil, mais on intégrera ce genre de service, les taxis, les visites sur place. C’est une vraie force et un vrai service que de proposer un interlocuteur unique pour l’ensemble du voyage.

Viviane : Vous margez sur quoi ? Sur les prestations et sur le service aussi ?

Thomas : Aujourd’hui on a des prix BtoB pour l’inventaire qu’on vend et ensuite on a de toutes petites marges pour financer les services qu’on propose : donc ce service après-vente, auquel on a ajouté d’autres services comme la possibilité d’annuler sans motif et bientôt la possibilité de payer en 3 fois sans frais supplémentaires. On est en train de mettre en place la compensation carbone des voyages que l’on vend. On a une assurance rapatriement que l’on inclut en cas de pépins. Tous ces services sont facturés par-dessus le prix du voyage. — Viviane : Vous avez pris une orientation finalement client centric très inhabituelle dans le voyage. — Oui, parce que le constat c’est que le voyage est devenu une commodité, que le marché du voyage s’est densifié et qu’il est devenu le terrain d’une guerre des prix, que toute l’innovation dans le voyage est mise au service de voyages moins cher plutôt que de plus de service et une qualité supérieure. Un exemple très concret de ce phénomène, c’est les compagnies low cost qui ne cessent de réduire la taille des bagages auxquels tu as le droit, ou de la taille de ton bagage cabine. — Viviane : Et encore, tu commences à voir des compagnies qui font payer pour la valise cabine aussi. — Exactement, donc nous, on fait l’inverse pour éviter toutes les mauvaises surprises. Mais cette guerre des prix est intense et les compagnies aériennes ne se battent pas en mettant des sièges de plus en plus confortables, de plus en plus grands bien au contraire.

Viviane : Quelle est la tendance, est-ce que les gens veulent voyager à nouveau comme si de rien n’était ? Ou est-ce que la pandémie et les prises de conscience écologique sont passées par là pour modifier en profondeur les comportements ?

Thomas : Sincèrement, j’ai l’impression que c’est en train de bien repartir quand même. J’ai l’impression que les gens vont beaucoup voyager. Qu’ils font d’autres choses en plus ! Et comme le télétravail s’est beaucoup développé, les gens passent pas mal de temps en dehors de chez eux. Les chiffres montrent que c’est bien reparti voire un effet rebond par suite des confinements successifs. — Viviane : Comment le top 10 de destinations a changé avec les restrictions et frontières fermées ? — C’est plutôt le sud de l’Europe et aussi la Pologne avec Varsovie et Cracovie qui sortent des classiques Italie et Espagne.

Viviane : On parle de votre hack sympa, avec l’annonce d’une levée record de 100 M$ pour préparer de week-end dans l’espace ?

 
 

Poisson d’avril 2019 🐟

 
 

[Weekendr s’envole vers de nouveaux horizons, à l’approche de son premier anniversaire. Le leader mondial des courts séjours, annonce aujourd’hui avoir bouclé une levée de fonds de 100 millions de dollars auprès de Serenna et SoftBank afin de financer, entre autres, l’amplification de son développement. Son objectif majeur : envoyer des touristes sur la Lune dès 2021.]

Thomas : C’était une blague qu’on avait faite pour le 1er avril. On a écrit un article sur Médium disant qu’on levait pour se lancer dans la course au premier week-end sur la lune. Tellement de gens l’ont pris au premier degré. Et ça nous a couru après pendant longtemps… à tel point que j’ai dû le préciser ensuite. Tu n’imagines pas le nombre de candidatures de gens de chez McKinsey qui pensaient que c’était sérieux. Et ensuite, on a eu des médias, qui parlent des startups, qui refusaient de nous interviewer en nous disant qu’on était trop gros pour venir chez eux, genre BFM. — Viviane : Ça vous a aussi donné des occasions de démystifier et de parler de vous. — On a bien rigolé surtout au-delà du coup de projecteur.

Viviane : Si on parle de growth, comment est-ce que tu vas activer toute cette offre, amorcer une belle croissance rapide ? Quelle équipe as-tu mise en place avec cette culture ingé d’où vous venez ?

Thomas : Notre stratégie, c’est de travailler un vrai marketing d’engagement autour de la marque. D’essayer de mettre en place plein d’actions qui vont fédérer une communauté autour de nous. Par exemple, chaque mois, on aura une opé, pour tous nos Offliners, pour laquelle on fera appel au vote pour élire la prochaine destination vedette sur le site. On leur demande aussi leur avis et leurs bonnes adresses, et on enverra une personne de la communauté les tester et vérifier sur place avant de les proposer sur le site. — Viviane : Le guide du routard n’a qu’à bien se tenir, c’est ça ? — (Rires) Ils sont très forts ! On verra jusqu’où on ira. L’idée c’est de créer un espace de confiance pour réserver rapidement ses voyages et savoir qu’on aura une superbe expérience sur place. — Viviane : La validation entre pairs permettra de cultiver la confiance et aussi le bouche-à-oreille. — Exactement ! Au début, grâce à une segmentation de gens qui se reconnaissent dans notre vision du voyage et peut-être, au fur et à mesure, avec un angle social qui fera que tu pourras voir ce que les gens qui te ressemblent ont fait pour vraiment avoir cette garantie de satisfaction. — Viviane : Qui sont vos premiers clients ? — Notre première cible, ce sont les jeunes actifs, citadins et en couple sans enfants. Ça c’est le premier persona parce que flexible, 2 revenus, peu encore de charges structurelles et ils ont une grande facilité à bouger.

Viviane : Qu’est-ce qu’on vous souhaite dans les mois à venir ?

Thomas : On nous souhaite de continuer à grandir pour avoir un vrai impact sur la manière dont on voyage demain et arriver à éduquer et diffuser une nouvelle vision du voyage plus centrée autour de la qualité et de la richesse de l’expérience que du prix et de la consommation. Ça, c’est le point clé et pour nous la manière d’y arriver, c’est de trancher avec ce qui se fait actuellement pour montrer aux gens que c’est possible de vivre des expériences immersives et qualitatives sans passer des heures pour construire son voyage. On utilise souvent la métaphore de Spotify : avant, il y avait beaucoup de personnes qui téléchargeaient leur musique illégalement, ça prenait énormément de temps, après, ils ajoutaient les paroles et les photos d’albums et si on leur avait demandé à l’époque s’ils étaient prêts à payer un abonnement pour télécharger de la musique, ils auraient rigolé. Aujourd’hui, il y a plein de gens qui payent 120 € / an pour leur musique. Nous, on est convaincus que c’est un peu la même chose avec le voyage. Aujourd’hui, tu fais tout tout seul, c’est très compliqué. nous on va réussir à démocratiser un service de qualité pour une somme pas très importante par rapport à ce que tu débourses aujourd’hui pour un voyage de qualité.

Viviane : Thomas merci et good luck, bon alunissage !

Thomas : Merci Viviane. Rires

 
 

Oculus®, des interviews pour garder l’oeil sur les marques remarquables.

 

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