Bleen, la DNVB qui va vous faire adorer le jardinage

Quentin Lanthier — Fondateur de Bleen la jardinerie nouvelle génération. ©Bleen

 
 

Oculus® ce sont des interviews pour garder l’oeil sur les marques remarquables, les #dnvb ou les entrepreneurs qui font bouger les lignes. Ce sont des échanges pendant lesquels on prend le temps d’aller au fond des sujets et le temps de comprendre l’état d’esprit d’un entrepreneur du changement.

On m’interroge de plus en plus fréquemment sur le modèle DNVB avec cette question de savoir si le modèle à un futur possible. La question mérite d’être posée, car désormais, on ne voit plus très bien ce qui distingue une jeune marque, née à l’ère Shopify, Instagram et TikTok, d’une marque traditionnelle qui se serait adaptée, voir sur adaptée, pour celles qui ont su voir en la période de confinement et de télétravail une opportunité pour se rapprocher des clients et adopter les codes des marques nées digitales.

Et puis, on rencontre Bleen et on comprend rapidement à quel point le business model DNVB est pertinent lorsqu’on parle de venir chahuter un marché qui se contente de ronronner gentiment, profitant de l’aubaine d’une croissance exceptionnelle de 10% en 2020, tirée par les récentes vagues d’exodes urbains.

Dans ce contexte, il fallait un audacieux pour se saisir de cette occasion et agir vite. Quentin Lanthier vient de faire la démonstration parfaite avec Bleen de la puissance du modèle DNVB lorsqu’il est parfaitement exécuté. La parole a celui qui se hâte lentement de conquérir le monde dans un alignement parfait des planètes.

 

Viviane : Avant de parler de Bleen est-ce que tu veux bien revenir rapidement sur ton parcours et tes expériences professionnelles, histoire qu’on comprenne bien qui tu es ?

Quentin : J’ai fait un parcours en École de Commerce, j’ai intégré l’EDHEC en 2014, et pendant mon année de césure, je me suis orienté plutôt vers des stages finances, banque d’investissements. C’est la spécialisation de cette école et quand tu y rentres, on te bourre un peu la tête avec ça. Viviane : C’est le Graal, c’est ça ? — Exactement, et comme je ne savais pas exactement ce que je voulais faire, je me suis dit, pourquoi pas commencer là-dedans. Donc, j’ai fait mes 4 premières années en fonds d’investissement, à la Banque Rothschild en tant qu’analyste, c’est-à-dire que j’étudiais des dossiers d’investissement et je regardais si le marché était intéressant, si la boite était saine et s’il y avait une opportunité pour les 5 prochaines années. L’objectif c’était d’accompagner les entreprises en portefeuille à se développer, soit en améliorant ses marges, soit en l’accompagnant dans son internationalisation, soit en l’accompagnant pour faire du M&A en trouvant une cible potentielle à acquérir pour l’aider à pénétrer un marché qu’elle n’a pas encore par exemple. — Viviane : Et tu n’avais pas envie de devenir président de la République toi ? — Si, je commençais à y penser justement, c’est un bon filon, en plus on peut se faire réélire assez facilement alors pourquoi pas ! (Rires)

Viviane : Plaisanterie à part, tu es resté chez Rothschild combien de temps finalement et comment t’est venue l’idée de te lancer dans l’aventure entrepreneuriale alors que tu avais une voie royale toute tracée devant toi ?

Quentin : J’avais envie d’entreprendre depuis très longtemps. Pour la petite info, dans ma famille, il y a pas mal d’entrepreneurs, dont mon frère Thibault qui a monté mondocteur.fr avec Benoît Grassin et Nicolas Klein qu’ils ont vendu à Doctolib. Avec le décalage, on a 10 ans d’écart, j’avais pu suivre son parcours. Ça m’avait donné envie, forcément, et ça m’a permis de me familiariser sur le sujet. C’est aussi le moment où l’EDHEC, après avoir bien consolidé la finance, a commencé à miser sur l’entrepreneuriat. J’ai choisi de d’abord, rentrer dans un grand groupe prestigieux, qui fait toujours une belle ligne sur un CV et je n’ai pas osé me lancer tout de suite, parce que je n’avais pas de salaire, pas d’argent de côté, pas d’expérience. — Viviane : Tu avais déjà des idées de business ? — J’avais quelques idées, mais j’étais trop frileux. Le plus dur c’était de franchir le pas, d’oser. Après 3–4 ans dans une boite, tu commences à démystifier les différents métiers qu’on t’a présentés au départ et on commence à préciser si c’est ce qu’on veut faire toute sa vie ou si c’est le moment. Puis, avec le fonds d’investissement, j’avais pu mettre un peu d’argent de côté. En plus, le Covid, les confinements jouent un rôle d’accélérateur dans cette prise de décision. Le premier confinement je l’ai passé chez mes parents, dans leur maison avec jardin en région parisienne. — Viviane : ça a son importance dans l’histoire. — Oui, ça a vraiment de l’importance dans l’histoire parce que quand tu bosses dans un fonds, en période un peu instable, on ne fait pas d’investissement. Donc, j’avais quand même pas mal de temps libre et ça m’a permis de commencer à y réfléchir, à creuser les premières idées et à me préparer à changer de métier. À partir de janvier 2021, j’avais passé le cap et j’étais prêt à me lancer.

Viviane : On parle de jardin, on rigole avec ça parce que justement ton idée tourne autour de bousculer le marché du jardinage. Comment ça s’est passé dans le processus ?

Quentin : Simple le processus, j’ai voulu m’occuper de la pelouse parce qu’elle avait une mauvaise tête, parce qu’il faisait très chaud, tout était très sec. N’y connaissant rien, j’ai pris une photo sur mon téléphone, je suis allé dans la jardinerie la plus proche et j’ai demandé de l’aide à un vendeur. — Viviane : Oui, c’est vrai que les jardineries étaient considérées comme des commerces essentiels. — Exactement, ils ont réouvert au bout de 15 jours de confinement. Donc, j’arrive vers le vendeur qui m’oriente vers un rayon avec 30 références d’engrais différents. Déjà, l’engrais je n’y connaissais rien et en plus, j’en avais une super mauvaise image. Pour moi, c’était Monsanto [racheté par Bayer] et le roundup [Le glyphosate utilisé comme pesticide pourrait être cancérogène estiment le Centre international de recherche sur le cancer et l’INSERM] — Viviane : On entend tellement d’informations négatives sur les engrais chimiques. — Exactement, notamment la saturation des sols qui est liée à l’agriculture. — Viviane : Parce que les engrais qui sont vendus en jardinerie pour les particuliers, ce sont les mêmes que ceux destinés à l’agriculture intensive ? — Il y a des engrais très similaires et globalement, je pense que ceux qui sont vendus pour les particuliers sont moins forts et moins toxiques. Il y a une nouvelle législation depuis 2019 qui interdit les produits phytosanitaires, donc les produits les plus toxiques. Mais il reste pas mal de produits de synthèse, des produits qui ne sont pas naturels et malheureusement néfastes pour les sols et l’environnement. — Viviane : Il y a un gros chantier en effet. Et puis j’imagine que parmi ces 30 références, j’imagine que tu étais perdu. — Oui, impossible de savoir à quelle fonction ils répondaient l’un par rapport à l’autre. Les packagings ne sont pas forcément rassurants, les pictogrammes à l’arrière, la petite tête de mort ou le poisson… et quand tu demandes au vendeur, il te met en garde de ne pas trop en mettre parce que ça peut brûler ton gazon et il te dit aussi que si tu as des enfants ou des animaux de compagnie, de ne pas les faire jouer sur la pelouse parce que ça peut les tuer s’ils avalent un granulé. Situation lunaire ! — Viviane : Ah oui ! Et tu dois épandre avec un masque et des gants. C’est limite Tchernobyl, pas très alléchant. — Oui, c’est quasiment ça et je me suis dit que c’était dingue qu’il n’y ait pas de solution plus simple, plus naturelle, plus adaptée à la nouvelle génération de jardiniers. — Viviane : Mais il n’y en avait pas du tout dans le rayon, où l’offre plus naturelle était noyée dans le rayon ? — Globalement, tout se ressemblait, c’était des engrais sous forme de granulés et le naturel bio était très limité. Mon idée était de créer une jardinerie connectée qui s’adresse à la nouvelle génération de français qui recherche à la fois un jardin facile à vivre et des produits respectueux de la biodiversité.

 
 

Bleen : sans danger pour ton chien. ©Bleen

 
 

Viviane : Ta cible, c’est tous ceux qui n’y connaissent rien au jardinage, les ex-urbains qui viennent de s’installer au vert, et ils sont super nombreux depuis le début de la pandémie.

Quentin : Le but de Bleen c’est d’avoir une combinaison réduite des meilleurs produits, bio, fabriqués en France, associés à des conseils d’experts, avec un langage simple et accessible à tous.

Viviane : Tu vas un peu vite parce que j’imagine bien que ça n’est pas en sortant de la jardinerie que tu t’es dit : Eureka ! Et puis, il y a un autre sujet avec ces engrais, c’est que les sacs sont énormes. Tu sors avec des kilos, si tu n’as pas des hectares de pelouse, c’est un gâchis monumental.

Quentin : Carrément. En général, tu repars avec un sac de 10 kg, si tu en utilises 1/3 c’est déjà bien et c’est plutôt moins en général. Tu l’utilises au printemps, tu oublies d’en remettre en été, pareil en septembre. Finalement, tu l’oublies dans ton garage et quand tu t’en souviens 3 ans plus tard, il est périmé et tu le jettes. — Viviane : Donc, tu dois mettre en place toute une réflexion autour de l’usage réel et du parcours utilisateur. Ça, c’est vraiment intéressant quand on veut aborder un nouveau marché, ça laisse de l’espace pour de l’innovation.

Viviane : Comment tu as abordé le marché ? Comment est-ce que tu as vérifié tes hypothèses ?

Quentin : D’abord, je suis allé parler tout simplement à mes voisins, à mes proches, à des experts et j’ai réalisé que globalement, personne ne se sentait assez accompagné dans son jardin et qu’il fallait créer plus de simplicité dans le parcours. On ne parle pas des gens qui sont passionnés et qui vont en jardinerie tous les week-ends, mais des 85 % des gens qui sont des jardiniers du dimanche, qui ont envie d’avoir un beau jardin, qui aiment jardiner, mais qui ne veulent pas y consacrer tout leur week-end ou dépenser trop d’argent. Ils veulent un truc simple et sympa à faire. — Viviane. : À partir de là, tu benchmark et tu vois le « blue ocean ». — Oui, c’est dingue, je me rends compte que le jardinage, c’est un des rares secteurs qui n’est pas touché par l’univers startup, pas de DNVB qui apportent un meilleur service, un meilleur accompagnement, des produits plus propres. Pourtant c’est un marché assez énorme qui représente 8 milliards d’euros en France, un marché en constante croissance. — Viviane : Tout confondu ? Qu’est-ce que tu comptes dans ce chiffre-là, sachant que dans une jardinerie, tu trouves des produits de jardinage, des plantes et fleurs, outils, du mobilier d’extérieur, de la déco, des loisirs créatifs, parfois une librairie ou encore des articles de mode. — Oui tout confondu. Le marché de la pelouse pour 1 à 2 milliards d’euros en France. — Viviane : Joli terrain de jeu. — Oui si tu veux te projeter, en France, il y a 12 millions de pelouses privées en France.

Viviane : Tu parlais des DNVB en France, mais ailleurs dans le monde, tu avais repéré de jeunes pousses qui abordent ce marché ?

Quentin : J’avais creusé et en Europe, je n’avais pas trouvé grand-chose à part des équivalents de Bergamote qui sont plus sur la plante et les fleurs comme Colvin en Espagne qui vient de racheter Monsieur Marguerite, mais sur la partie jardin extérieur, il n’y a que de petits acteurs de niche comme des box de potager. — Viviane : Et dans les pays anglo-saxons où on a le culte du gazon non plus ? — Alors non, pour l’instant, il n’y a personne au Royaume-Unis et aux États-Unis, j’avais identifié un acteur intéressant qui m’a un peu challengé pour ma réflexion sur Bleen.

Viviane : Formidable ! Est-ce que tu as réfléchi en te disant, d’abord je m’attaque au sujet de la pelouse et ensuite tout ce qui concerne l’univers des plantes ou est-ce que tu penses plutôt à bâtir la néojardinerie avec tout l’univers qu’on vient de décrire en passant par l’outillage et le mobilier pourquoi pas ? Avec plus de service et d’expérience que ce qu’on peut trouver chez les acteurs tradi ?

Quentin : Exactement. Je suis parti avec l’envie de faire une jardinerie nouvelle génération, connectée, qui réponde aux problèmes que j’avais identifiés, qui étaient le manque de simplicité, le manque d’accompagnement et le manque de transparence au niveau des produits. Donc, dès le départ, j’avais cette vision un peu long terme et pas juste un programme d’entretien pour la pelouse, je veux avoir le mobilier, l’outillage, je veux être l’endroit où on va dès qu’on pense au jardin et que l’on se dise, Bleen, ce sont les bons conseils, le bon accompagnement, les bons produits. En revanche, c’était important pour moi de me lancer sur un premier produit ou je puisse être vraiment différenciant et totalement innovant. Et c’est, comme ça que je suis venu avec mon premier produit pour l’entretien de la pelouse, bousculer l’univers de la jardinerie tradi avec une approche innovante : le premier abonnement annuel et personnalisé qui te livre des produits en bonne quantité, naturels et bio, directement chez toi, au moment où tu en as besoin.

 
 

Bleen analyse sur mesure de ton jardin et prescription du meilleur programme pour ta pelouse. ©Bleen

 
 

Viviane : Pour revenir aux grands acteurs que tu veux challenger et qui fonctionnent extrêmement bien, en général ils sont devenus de grands supermarchés. À qui tu as à faire précisément ?

Quentin : Si on regarde les grands acteurs de ce secteur, il y a différentes catégories à distinguer. Il y a les grandes surfaces alimentaires qui en général ont tout un espace jardin. Tu as les Auchan, Casino, Leclerc qui représentent 14 % du marché. Il y a de grandes surfaces de bricolages, Bricomarché, Castorama, Leroy Merlin qui aussi ont un espace jardin fort. Et ensuite, tu as les spécialistes du jardin comme, Jardiland, Gamm Vert et qui peuvent aussi être pépiniéristes comme Truffaut. Au regard de la taille, c’est Gamm Vert le plus gros, mais qui est 100 % franchisé, puis Jardiland qui est aussi assez gros 40% franchisé aussi et Truffaut, 0 franchise et Botanic. — Viviane : Tous ces acteurs que tu cites fonctionnent avec des centrales d’achat, ils ont des leviers considérables sur les prix et les marges. Est-ce que ça ne constitue pas une barrière à l’entrée pour un nouvel entrant de petite taille ? — Oui, tu as raison. Le fonctionnement en centrale d’achat leur permet d’agir sur de très gros volumes et d’être très compétitifs en termes de prix et surtout si tu regardes les provenances des plantes, tu vois qu’ils s’approvisionnent essentiellement à l’étranger parce que ça coûte moins cher aux Pays-Bas par exemple. Donc, pour nous c’est carrément une contrainte pour arriver à être compétitifs sur les prix en ayant des produits fabriqués en France pour la quasi-totalité en ce moment. J’essaie de m’aligner sur leurs prix et pour certains produits, on peut en effet être un peu plus cher. Mais aujourd’hui globalement, on ne l’est pas. — Viviane : Tu es en train de me dire que pour l’instant, tu arrives à être compétitif en étant mieux-disant sur la transparence, la simplicité et l’expérience et service associé. — Exactement, pour l’instant, j’ai de moins bonnes marges que ces acteurs-là parce que je préfère garder la compétitivité sur les prix, tout en gardant les meilleurs produits et la meilleure expérience. — Viviane : De toute façon, tu mises sur du volume sur un marché qui est en très forte croissance surtout depuis le confinement. — Oui, c’est ce que je te disais, depuis les 20 dernières années, ce secteur est en très forte croissance et ces dernières années, on est a plus de 10 % de croissance, ce qui lui donne une belle dynamique.


Viviane : Tu as ton idée, ton premier produit, un marché. À partir de là, comment est-ce que tu fais ? Tu pars dans une cocréation avec ta communauté ? Tu disais que tu avais questionné des experts ? Tu as monté une équipe scientifique pour trouver une formulation plus écologique et efficace ?

 
 
 

Programme Bleen sur mesure; ©Bleen

 
 

Quentin : La première étape, ça a consisté à faire un diagnostic de ce qui allait et ce qui n’allait pas et parler avec un grand nombre de jardiniers professionnels. Ça a été un travail un peu long d’un mois — Viviane : Un mois ce n’est pas très long, on sent ton impatience de t’y coller ! — Juste pour parler aux jardiniers, quand tu es en mode startup, tu sais ça peut paraître long ces journées à enchaîner les coups de fil. — Viviane : Et comment ils t’ont vu venir, en néophyte total, ils t’ont bien accueilli ? — Il y a ceux qui te regardent comme le petit jeune opportuniste qui n’y connaît pas grand-chose au jardin et il y a ceux qui sont bienveillants et prêts à t’accompagner. Finalement, c’est avec eux que tu vas avancer parce qu’ils sont d’accord qu’il y a des problèmes et qu’ils veulent essayer de les résoudre. J’ai créé une garde rapprochée de spécialistes, en particulier avec Roland Motte — Viviane : Roland Motte, il a un nom prédestiné lui ! (Rires) [Roland Motte est, jardiner amoureux des jardins au naturel, conseil et journaliste pour France Bleu entre autres, Président de l’Institut des Sens et de la Couleur au Jardin]Il a accompagné les grosses jardineries dans le passé, dont Truffaut et qui est convaincu qu’il y a une carte à jouer en apportant plus de simplicité aux clients parce que c’est ce qu’ils recherchent. Et typiquement, il a vu la clientèle des grosses jardineries vieillir, elle a aujourd’hui autour de 55 ans et lui, il est convaincu qu’on peut aller chercher un autre public en parlant autrement, de manière plus simple et compréhensible pour tout le monde. — Viviane : Est-ce que tu as dans ton équipe un greenkeeper ? J’ai découvert en préparant cette conversation, ce métier qui consiste à prendre soin des gazons des terrains de foot ou des greens de golf par exemple. — Oui, bien sûr, pendant ma série d’interviews, j’avais échangé notamment avec l’ancien greenkeeper du Stade de France, un Anglais qui m’avait confirmé que faire de l’entretien de la pelouse avec de l’engrais liquide c’était une bonne idée, plus simple à faire et moins invasive pour le sol. Il m’avait beaucoup rassuré sur ce point-là et ça avait été un échange qui m’a permis d’avancer dans cette logique-là. — Viviane : On parlait de ton MVP (Minimum Viable Product), avec qui tu l’as fait ? — Je suis d’abord allé travailler les produits avec un fournisseur pour développer les formules en laboratoire. J’étais accompagné en parallèle d’agronomes spécialisés sur les pelouses de stade. Je n’avais pas les compétences de chimiste pour le faire. — Viviane : Tu les as rémunérés pour la R&D ? — Oui, en free-lance. — Viviane : intéressant. Et le formulateur est français ? — Oui, absolument ! Donc on a avancé comme ça et ensuite on a fait une période de test en vendant le programme à 100 bêta-testeurs au cours de l’année 2021. — Viviane : Tu les as trouvés où ? — Par Facebook, en acquisition classique. — Viviane : Ok, juste avec une landing page ? — Oui, j’avais créé rapidement une landing page couplée à un Type form couplé à un Shopify, ce qui m’a permis de faire une première version du site et d’écouler les 100 premiers abonnements en 15 jours. Après, j’ai arrêté parce que mon but était d’obtenir des premiers tests pas de faire du volume. Je n’étais pas encore sur des résultats même si je l’avais testé dans mon jardin et aussi on a fait des tests en labo. — Viviane : combien de fois avez-vous du itérer sur la base de la première formule ? — Environ une quinzaine de fois et encore là, on a encore continué cette année. — Viviane : Je trouve magnifique que tu aies réussi à avoir 100 abonnés comme ça en 15 jours. Il y a de grosses réticences en France quand il s’agit d’abonnement, les gens se sentent captifs. Toi, tu as la spécificité d’avoir un programme annuel c’est ça ? — Oui, c’est un programme annuel en 3 temps, qui se vend à partir de 129 euros par an et on couvre des pelouses qui vont de 0 à 1000 m². Aujourd’hui, on n’est pas adapté à plus de 1000 m², on estime que quelqu’un qui a 2 hectares ou 3 n’entretient en fait que les 300 m² autour de la maison.

Viviane : À partir de là, tu as tes 100 premiers abonnés, l’abonnement fonctionne…

Quentin : Les premières galères aussi, surtout du point de vue logistique certaines poches, manipulées par La Poste, parce qu’au début, j’envoyais moi-même par La Poste, arrivaient explosées. Mais la communauté était bienveillante. Je les avais appelés un par un pour leur expliquer qu’ils étaient des ambassadeurs, que le but, c’était de co-construire la marque avec eux et aussi pour comprendre ce qui leur avait plu et ce qui ne leur avait pas plu. C’est pour ça que je ne voulais pas avoir trop de clients au début. Parce que plus on a de clients, moins c’est facile d’être proche d’eux et de leur parler. Et là l’objectif, c’était d’avoir un WhatsApp en direct avec tous les clients. — Viviane : Bravo, c’est génial ! Est-ce que ces clients initiaux ont été fidélisés ? Et est-ce qu’ils ont joué leur rôle d’ambassadeurs, c’est-à-dire qu’ils t’ont ramené des clients ? — Justement, le marché du jardin c’est un très bon terrain pour le bouche-à-oreille. Il y en a pas mal qui m’ont apporté des clients en juillet ou en septembre, qui m’ont appelé en me disant que leur voisin, leur cousin ou leur frère était passé chez eux et en voyant les pelouses, avait demandé si c’était possible de s’abonner, comment faire. Sauf que j’avais arrêté les abonnements. Donc, dès le départ, ils m’avaient mis en relation avec d’autres personnes et là, ils sont globalement tous réabonnés, il doit m’en manquer un ou deux. Et on n’a pas encore suivi les impacts du référencement.

Viviane : Les abonnements viennent juste de reprendre au printemps, tu en es où ? — Là, on doit être autour de 600/700 abonnés. — Viviane : Uniquement par le bouche-à-oreille ou tu fais du paid ? — Ça fait 1 mois qu’on a commencé le payant. On a commencé à faire quelques RP [Relations Presse], on a quelques articles dans des magazines comme Maison et Travaux, Voici. — Viviane : C’est assez facile de trouver tes clients et en plus tu as un boulevard avec la fraîcheur de ta proposition de valeur. — Oui, bien sûr ! C’est un secteur qui plaît aux journalistes. Ça change un peu. Comme il n’y pas eu beaucoup d’innovation depuis 20 ans, donc dès que ça bouge un peu, les gens sont contents et se projettent un peu.

 
 

Bleen simplifie le jardinage; ©Bleen

 
 

Viviane : Tout ça est épatant. Tu avais fait un peu d’économie pour lancer le projet, mais à quel moment tu t’es dit qu’il fallait que tu lèves des fonds. En plus, c’est ton métier de base, est-ce que tu as pu t’appuyer sur ton réseau ?

Quentin : Non, je ne me suis pas vraiment servi de mon réseau. J’y suis allé un peu à la bourrin. Mon premier Business Angel est arrivé un peu par hasard parce qu’à la base, je ne voulais pas lever avant septembre 2022, je voulais avoir d’abord des résultats de mes bêta-testeurs et de mes Bleeners et je voulais être sûr que le programme marchait bien, que le produit était de qualité. Et en juillet, je n’étais pas encore assuré que les clients étaient satisfaits. Je commençais à approcher un directeur marketing, parce que forcément pour une DNVB, le côté branding est hyper important. Et donc, j’avais commencé à parler avec plein de directeurs marketing de DNVB un peu sous les projecteurs, qui marchent bien, en essayant de débaucher. — Viviane : intéressant. Lesquelles tu as regardées ? — J’avais contacté pas mal de boîtes, Merci Handy, Japhy… Mon but, c’était de parler au plus de personnes possibles pour avoir un retour ou pour avoir des recommandations. Et au cours de l’un de ces échanges, avec une personne qui n’était pas forcément intéressée pour bouger, elle me dit que je devrais parler avec son boss, que c’est un projet qui lui plairait bien, qu’il aide des DNVB. Et à partir de là, j’ai bouclé mon premier tour de 1,5 million d’euros. — Viviane : Sympa, c’est honnête avec100 abonnés . — Oui, c’était bien plus que ce que j’espérais et à la fois j’avais fait le choix de partir d’abord avec des Business Angel experts du jardin. Donc il y a l’ancien DG de Truffaut et le fondateur de Natural Grass, qui est le leader dans la conception et la fabrication des pelouses de stades. — Viviane : C’est hyper pertinent. Ils vont vraiment pouvoir t’accompagner dans tous les aspects du développement. C’est du pain béni ! — Clairement. Pour moi, cette expertise était hyper importante pour avoir de la légitimité dans le marché et les bons contacts et à la fois, des Business Angel qui sont très réputés dans le côté tech, notamment avec Alexandre Yazdi qui est le co-fondateur de Voodoo, [éditeur de jeux français], qui est connu pour être un bon Business Angel, avec Antoine Martin et Alexis Bonillo, les 2 co-fondateurs de Zenly [Une App qui permet de géolocaliser des personnes, et notamment de retrouver ses proches dans un stade, un festival de musique ou encore une manifestation, et de rester connecté aux autres toute la journée] qui ont un très gros réseau et des business angel qui sont plus côté retail et DNVB, dont notamment Aude du Colombier qui est la co-fondatrice de Tediber et Martin Balas qui est le cofondateur de, la box beauté et que tu connais bien aussi. Donc, globalement, une bonne dynamique, un bon tour de table. En fait, j’ai vraiment eu l’occasion de choisir. — Viviane : Il y a un maximum de belles fées qui se sont penchées sur ton berceau. Ça, c’est clair ! Sans rien t’enlever, bien au contraire, c’est aussi un moment, pendant la pandémie, ou franchement, il y avait peu de projets vraiment très originaux. C’est une bonne conjonction, en tout cas. — Oui, et ça m’a permis d’accélérer dès septembre en recrutant la première directrice marketing, Élodie Portes qui a un profil super branding : elle a bossé 12 ans chez L’Oréal avant de lancer sa DNVB, Maison Plouf, [la lessive pour bébé]. Pour moi, elle a à la fois l’expertise grand groupe, très rassurante, et le courage de quitter un grand groupe pour créer sa boîte et le wording DNVB. — Viviane : Elle a laissé tomber Maison Plouf ? — Ça tourne toujours avec Oriane Blondel, son ancienne associée, mais globalement, elle n’est plus trop impliquée dedans. — Viviane : C’est compliqué quand on n’a pas une grosse traction de marché et qu’on ne peut pas lever de financer 2 co-fondateurs. — C’est ça que je voulais éviter, être dans ce stade un peu bâtard où tu te retrouves à vivoter et tu peux difficilement vivre. Tu es coincé parce que ta boite fonctionne bien financièrement, mais tu ne peux pas en vivre et tu n’as pas les moyens d’émerger. Elle était sur un marché très concurrentiel, la lessive, on en a vu apparaître dans tous les coins, et qui ont levé de l’argent. Donc, forcément, tu te retrouves à te battre avec des concurrents, mais pas du tout à armes égales. — Viviane : Dans un marché aussi concentré et de copycats comme celui-ci, tout le monde accélère en même temps et ceux qui sont à la traîne perdent tout. — Exactement, c’est tout à fait ça. — Viviane : Quel a été ton second recrutement ? — Une opération manager, en charge des aspects conditionnement, logistique et développement de la gamme. — Viviane : J’imagine que c’est à partir de là que tu as commencé à bosser avec un logisticien ? — Exactement, c’est un logisticien Gestra qui se trouve dans les Vosges, qui avait aidé Respire au lancement et qui nous aide beaucoup aussi. — Viviane : Tu le recommandes alors ? — Oui, je le recommande à 100 %. Et après, j’ai recruté une designeuse, parce que finalement, je me suis aperçu que j’avais pas mal de besoins en tant que DNVB, pour la conception, la fabrication des packagings. Finalement, les agences coûtent assez cher rapidement. Et puis, pour conserver notre identité de marque en interne, c’était important d’avoir ce profil en interne. Et après, ça a été du recrutement sur du Customer Success et une personne qui gère tous nos réseaux sociaux. Donc, on est 7 maintenant et je vais stabiliser pour ne pas prendre trop de risques. L’idée, c’est de rester les pieds sur terre et faire du chiffre d’affaires, viser la rentabilité assez rapidement et ne pas faire n’importe quoi.

Viviane : Mis à part ce programme d’entretien pour la pelouse, quels sont les produits que vous avez lancés et que vous envisagez de lancer prochainement ?

Quentin : Là, on a lancé les bulbes et 60 références de plantes, à la fois d’intérieur avec une gamme très limitée parce que ça n’est pas notre objectif principal et de plantes d’extérieur. — Viviane : Tu te fournis chez des pépiniéristes français ? — Oui, exactement. — Viviane : Là, tu es en concurrence avec les Bergamote, Monsieur Marguerite, tous ces acteurs-là et les fleuristes. — Seulement pour les plantes d’intérieur. Globalement, on ne va pas leur marcher sur les plates-bandes (rires). Quoique, je trouve ça très cher quand tu veux te faire livrer une plante, c’est quand même un service premium. Donc, là où je veux les concurrencer, c’est sur l’idée de vendre une plante au juste prix. Pour l’entretien de la pelouse, on est 35 % moins cher qu’un Truffaut ou autre acteur traditionnel. Et sur les plantes, on va suivre la même ligne directrice : je pense qu’on sera bien 30 % moins cher que les acteurs en ligne.

 
 

Bleen : unboxing experience. ©Bleen

 
 

Viviane : Est-ce que tu prévois de suivre la mutation des usages en lançant des options de location d’outils plutôt que de la vente ? Est-ce qu’on a besoin d’une tondeuse à soi qui reste dans le garage ou est-ce qu’on peut partager avec ses voisins ?

Quentin : Je n’y ai pas pensé, je t’avoue. À mon avis, la tondeuse, tu en as assez souvent besoin et tu l’amortis assez vite. Il faudrait que je réfléchisse effectivement sur cette notion d’outils lourds à louer. — Viviane : Si tu fais des outils, est-ce que tu vas revoir la conception, l’ergonomie ou est-ce que tu seras juste sur une gamme raccourcie, les indispensables ? Tu imagines comment la suite sur ce sujet ? — Je pense qu’on commencera à rentrer par le petit outillage, sécateurs… tout ce qui n’est pas électrique. L’objectif pour nous, ça va être de trouver des produits de qualité qui peuvent durer dans le temps. Si c’est fait en France, c’est encore mieux, favoriser le local et ne pas aller chercher des produits en Chine. Et garder cette ligne en effet : une sélection réduite, mais les meilleurs produits. Mon but, c’est de simplifier la vie de mes clients. Donc, je n’ai pas envie que si un client a besoin d’un sécateur par exemple, il soit obligé d’aller ailleurs. Le but c’est d’avoir un one-stop shop où tu peux tout acheter au même endroit.

Viviane : C’est une belle aventure qui part très très bien et que j’aurai plaisir à suivre. Qu’est-ce qu’il faut te souhaiter pour la suite ?

Quentin : Pour la suite, c’est globalement un nouveau confinement (rires) — Viviane : Ça, c’est non, mais j’imagine que tôt ou tard, on va devoir y repasser — Ce qu’il faut nous souhaiter, c’est plein de nouveaux clients, des bleeneurs heureux de s’occuper de leur jardin. Ce que je ne t’ai pas dit d’ailleurs, c’est que le secteur de l’engrais est très impacté par la guerre en Ukraine parce qu’ils sont produits en Russie pour la plupart et qu’on utilise du gaz pour produire les engrais non naturels. En gros, toute la chaîne est impactée. — Viviane : Alors, tu as une vraie carte à jouer avec tes engrais naturels ? — Oui, mais je subis aussi de plein fouet la hausse des prix : comme les engrais non naturels sont en augmentation de prix, la demande des agriculteurs se reporte sur les engrais naturels. Viviane : Tu veux dire que la loi du marché oblige, par effet d’offre et demande, et de rareté les prix des engrais naturels suivent ? — Oui, exactement.

Viviane : Je souhaite beaucoup de succès et surtout, que tu n’aies pas trop de compétiteurs trop vite pour avoir le temps de prendre quelques longueurs d’avance. Merci pour ton temps et ta liberté de parole, c’était passionnant.

Quentin : Merci beaucoup Viviane.

 
 

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